J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mercredi 15 août 2018

Paysage, 5 fois

Ne pas faire grand’rue mais faire place, sauter de l’une à l’autre comme cinq coups d’épingles piquées sur sur le plan: passer de la Terrasse plaque tournante des trams où les regards oscillent entre l’écran qui décompte les minutes avant la venue du tram et le lointain pour vérifier les indications données et son arrivée effective , mettre en mouvement le ciel avec de petites boules de nuages qui s’enfuiraient vers le nord, qui sortiraient de la ville et prendraient la route des vacances, puis revenir à la réalité et pointer la place Carnot – un marché, des poussettes, des femmes, des ados qui parlent fort, une circulation dense , lever les yeux et le train sur le pont, dessous une sorte de gare orange – poursuivre et s’arrêter un peu sur la place importante de la ville, Jean-Jaurès , où les jets d’eau élèvent le regard puis l’abaissent en un mouvement discontinu et l’église derrière, la cathédrale, immobile et déserte, et les amoureux qui s’enlacent à l’ombre d’un platane, les enfants qui glissent sur le toboggan, courent remontent les degrés de l’échelle et glissent encore sans savoir pourquoi, et que passe le temps devant les vieux assis sur des bancs, tête baissée ou le regard levé qui vient buter sur les façades jaunes des immeubles d’en face ne renvoyant qu’un soleil factice, une centaine de mètres plus haut, plus loin , la place de l’Hôtel de ville avec ses immeubles repeints de couleur claire eux aussi contribuant à ôter des mémoires le nom de ville noire – mais les crassiers toujours là sur les collines alentour, témoins indestructibles d’une vie passée – et le manège pour enfants tournant , tournant et tournant encore pour bien dire l’horloge du temps qui n’en finit pas d’avancer alors que le ciel s’éloigne et ne rien voir au-delà, faire les derniers mètres , tenter de distinguer une place sur la place du Peuple, se souvenir de l’avant, comparer et trouver qu’aujourd’hui ce ne sont que des rues qui se croisent , se traversent, que des rails qui s’enjambent, des trams qui passent d’un côté ou l’autre, que là à cet endroit le passé ne peut coïncider, qu’il est enfoui sous des strates d’oubli, et que cela crée comme un malaise , une nostalgie et il faut passer outre et constater qu’il y a davantage de ciel peut-être d’une clarté opaline, des horizons autres où pouvoir imaginer, et que la lumière de fin de journée, pleine de douceur serait prête à faire naître un nouveau regard...

23ème texte (correspondant à la proposition d'écriture de la vidéo 23) pour  l'atelier d'écriture d'été animé par François Bon sur son site Tiers-Livre: " Construire une ville avec des mots".

1 commentaire:

Estourelle a dit…

Yèèèè...!!!
O Salut Ville tant aimé!!