J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

mercredi 5 septembre 2018

Ciels ma ville



Le ciel prend toute la place, qu’il soit laqué de bleu et démis de nuages, qu’il soit sur fond de larmes ou d’un lavis poudreux, qu’il soit fané ou pelucheux, blanc ou bas, incertain ou sans plis, vernis ou terne, lumineux de vérité ou pesant de larmes, de plomb ou d’émeraude, chiffon rouge ou tapis de cendres, d’aube ou de crépuscule, d’apparitions ou de dissipations, buvardé en lambeaux ou fleuri d’infini, congestionné ou criblé de lumière, décoloré ou piqué d’étoiles, lunatique ou constant, strié d’envols noirs ou blanchi de fumées, craché d’ombres ou infusé de rose, source de visions ou poudre de silence, éclat brouillé d’un regard flou ou plénitude des brumes...


On reste toujours à jardiner son carreau de fenêtre, à explorer le mouvement continu d’un petit coin de bleu, à déraciner à mains nues ce qu’on a cru y voir grandir, à tenter de déchirer d’un geste de la main ce petit ourlet de rien et ses invisibles, à fouir dans ses entrailles pour y trouver soudain les mots, à écrire pour le déplacer, à perforer un nuage pour y dénicher un brin d’aube ou juste après la pluie pour y trouver les italiques, à partir à son assaut pour s’abreuver du vol des corbeaux, à se perdre dans la ouate céleste, à scruter ses rives bleues quand à l’intérieur il pleut, à devenir clocher pour tenter d’attraper la lumière en surplomb et tremper sa plume dans une langue de silence…


Elle a le choix des collines pour se rapprocher des ondulations du ciel et se tenir à mi-chemin entre la ville et l’azur. Elle se faufile entre les maisons du lotissement, emprunte un escalier un peu raide , grimpe par les sentes le long des jardins ouvriers, glisse un bonjour ici ou là, traverse une route, reprend un chemin et son souffle avant la montée plus raide et sans ombre, et finit par rejoindre le sommet du parc qui domine au nord-ouest de la ville, au crêt de Montaud. Point de colline inspirée mais de là le partage entre terre et ciel est parfait et tout s’ordonne, dans une forme d’immobilité feinte, où le bleu, poème dans la prose, s’égare dans le tableau du jour.

32ème texte (correspondant à la proposition d'écriture de la vidéo 32 ) pour  l'atelier d'écriture d'été animé par François Bon sur son site Tiers-Livre: " Construire une ville avec des mots".

1 commentaire:

Ange-gabrielle a dit…

Quel souffle, quelle envolée, quel style ! Je l'ai lu trois fois, à chaque fois emportée trop vite dans ce ciel. Quelle inspiration !