Le
ciel prend toute la place, qu’il soit laqué de bleu et démis de
nuages, qu’il soit sur fond de larmes ou d’un lavis poudreux,
qu’il soit fané ou pelucheux, blanc ou bas, incertain ou sans
plis, vernis ou terne, lumineux de vérité ou pesant de larmes, de
plomb ou d’émeraude, chiffon rouge ou tapis de cendres, d’aube
ou de crépuscule, d’apparitions ou de dissipations, buvardé en
lambeaux ou fleuri d’infini, congestionné ou criblé de lumière,
décoloré ou piqué d’étoiles, lunatique ou constant, strié
d’envols noirs ou blanchi de fumées, craché d’ombres ou infusé
de rose, source de visions ou poudre de silence, éclat brouillé
d’un regard flou ou plénitude des brumes...
On reste toujours à jardiner son
carreau de fenêtre, à explorer le mouvement continu d’un petit
coin de bleu, à déraciner à mains nues ce qu’on a cru y voir
grandir, à tenter de déchirer d’un geste de la main ce petit
ourlet de rien et ses invisibles, à fouir dans ses entrailles pour y
trouver soudain les mots, à écrire pour le déplacer, à perforer
un nuage pour y dénicher un brin d’aube ou juste après la pluie
pour y trouver les italiques, à partir à son assaut pour s’abreuver
du vol des corbeaux, à se perdre dans la ouate céleste, à scruter
ses rives bleues quand à l’intérieur il pleut, à devenir clocher
pour tenter d’attraper la lumière en surplomb et tremper sa plume
dans une langue de silence…
Elle a le choix des collines pour
se rapprocher des ondulations du ciel et se tenir à mi-chemin entre
la ville et l’azur. Elle se faufile entre les maisons du
lotissement, emprunte un escalier un peu raide , grimpe par les
sentes le long des jardins ouvriers, glisse un bonjour ici ou là,
traverse une route, reprend un chemin et son souffle avant la montée
plus raide et sans ombre, et finit par rejoindre le sommet du parc
qui domine au nord-ouest de la ville, au crêt de Montaud. Point de
colline inspirée mais de là le partage entre terre et ciel est
parfait et tout s’ordonne, dans une forme d’immobilité feinte,
où le bleu, poème dans la prose, s’égare dans le tableau du
jour.
32ème texte (correspondant à la proposition d'écriture de la vidéo 32 ) pour l'atelier d'écriture d'été animé par François Bon sur son site Tiers-Livre: " Construire une ville avec des mots".
1 commentaire:
Quel souffle, quelle envolée, quel style ! Je l'ai lu trois fois, à chaque fois emportée trop vite dans ce ciel. Quelle inspiration !
Enregistrer un commentaire