J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

samedi 1 septembre 2018

Rencontrer/ 3

Il est des jours d’apparitions qui tranchent dans le visible. De ces ombres qui n’ont pas trouvé la paix et qui continuent de hanter les rues de la ville comme le chant des poussières qui se posent sans bruit. En l’espace d’une seconde, l’esprit bascule et se perd dans une opacité sans nom. Une femme, âgée, petite et un peu ronde, penchée vers l’avant marche sur le trottoir devant elle. Sur l’épaule pend un sac en toile, rappelant ces sacs de plage d’autrefois, avec l’inscription La Rochelle un peu pâlie au-dessous du dessin de tours. Elle sait bien que ce n’est pas possible que ce soit Louise , mais cette silhouette, cette démarche, cette manière de tenir son sac et ce sac même venant de sa ville préférée, tout lui rappelle sa tante. Elle ne sait comment l’aborder. Elle finit par la dépasser en la heurtant légèrement. Louise échappe un sac en papier avec des abricots qui roulent sur la chaussée. Elle se confond en excuses, ramasse les fruits tombés, remet le tout dans le sachet, s’excuse à nouveau et croise enfin le regard de celle qu’elle nomme Louise en son for intérieur. Sidérée par le regard bleu qui la fixe sans colère, mais avec une candeur qui la bouleverse. Louise lui dit que ce n’est rien, que ses mains ne tiennent plus les objets comme autrefois, que tout lui échappe mais qu’elle est bien gentille d’avoir ramassé ces quatre fruits… Elle, elle n’arrive plus à parler. Elle sourit seulement. Louise tourne au coin de la rue. Lorsqu’elle arrive à son tour, à l’angle de la rue, après avoir repris ses esprits, de Louise nulle trace. Bien sûr, ce n’est pas Louise, elle est morte il y a ...un an... jour pour jour...
Troisième et dernière partie du  29ème texte (correspondant à la proposition d'écriture de la vidéo 29 ) pour  l'atelier d'écriture d'été animé par François Bon sur son site Tiers-Livre: " Construire une ville avec des mots".


1 commentaire:

Brigetoun a dit…

on la voit et on la connait Louise