Entre
fuite et désir de rencontres, entre oubli et envie d’éblouissement,
entre instant épousé et passé rejailli, il y a un fil où elle
avance en un équilibre précaire, toujours en quête d’un lieu
qu’elle nomme vrai, sans trop savoir quel sens cela pourrait bien
recouvrir. Elle fuit le centre ville et les grands magasins où tout
est désordre de gestes et de sons, elle s’éloigne de tout ce qui
n’est qu’enchevêtrement de formes et de couleurs, et se réfugie
dans un parc où le ciel a sa place avec toutes ses épaisseurs de
bleu, où des arbres fixent la vision et bercent du murmure de leur
feuillage, où l’herbe pousse au milieu, comme les idées qui
surgissent en plein milieu de rien . Elle marche dans les allées ou
sur l’herbe, avec la lenteur de qui pense, en laissant son regard
s’abreuver à tout ce qui frémit autour d’elle. Les matins ont
ce quelque chose qu’elle nomme délicieux, lorsque la lumière
accompagne le pas, et que les voix semblent à peine sorties du
silence. Les enfants qui jouent , le font sans la fatigue ou
l’agressivité des après midis, ils sont dans cette vie singulière
de l’enfance non encore travestie par la lourdeur du jour. Sur la
pelouse, cette fillette, cinq ans peut-être, qui s’applique à
lancer un ballon en direction de son petit frère, à peine deux ans,
avec précision pour qu’il puisse frapper à son tour avec plaisir
et lui renvoyer le ballon d’un coup de pied net et franc et la joie
des deux enfants à échanger ces passes sans cris, sans colère, le
père tout près qui regarde, avec un brin d’émotion peut-être...
Cet homme qui court, autour du parc, qui passe à plusieurs reprises
avec toujours un sourire lorsqu’il croise quelqu’un, un petit
signe de la main ou de la tête, ou qui s’arrête quand il voit un
enfant qui vient de tomber… Les jardiniers qui nettoient les
massifs, coupent quelques fleurs fanées et discutent avec un vieil
homme assis sur un banc et dont ce sera peut-être le seul échange
de la journée... Les canards qui barbotent dans l’étang se
mettent de la partie pour communiquer avec ce tout petit garçon qui
n’en finit pas de leur parler dans son jargon de petit garçon et
les volatiles semblent comprendre les secrets qu’il leur livre...Et
sur le tourniquet cette petite fille qui ne quittera pas du regard
son amoureux du jour… Quelques éclats d’un matin où elle
cherche à voir la vie en rose, comme si son passé et ce présent se
rejoignaient , une courte parenthèse dans des jours d’indifférence,
un rêve éveillé où le champ du possible s’évase et que
cessent enfin les outrages et les portes qui claquent. Elle avance
dans cet entre-deux, dans cette entrevue silencieuse, ces étendues
d’herbes et ces creux d’ombres où se balbutie un peu de son
enfance.
33ème texte (correspondant à la proposition d'écriture de la vidéo 33 ) pour l'atelier d'écriture d'été animé par François Bon sur son site Tiers-Livre: " Construire une ville avec des mots".
33ème texte (correspondant à la proposition d'écriture de la vidéo 33 ) pour l'atelier d'écriture d'été animé par François Bon sur son site Tiers-Livre: " Construire une ville avec des mots".
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