J'avance, avec de l'ombre sur les épaules. ( André Du Bouchet)

dimanche 19 août 2018

Mise en questions

Elle se dit que son regard d’enfant n’existe plus ni ce pas de conquérant ou cette détermination et voudrait bien savoir ce qu’ils sont devenus. Elle se dit que se garder de la lumière et errer dans les souvenirs d’ombres n’est peut-être pas ce qui faudrait qu’elle fasse. Elle se dit encore qu’à force de scruter les ciels et leurs boules de rêves elle est sans doute passée à côté d’autres vies. Elle se demande si la recherche de silence n’a pas pris trop d’importance dans sa vie . Elle se dit que contempler la ville et la vie à la Caspar David Friedrich n’est peut-être pas une bonne idée. Elle se demande pourquoi son regard ne franchit pas . Elle se dit que les voix d’avant toutes les voix d’avant et d’encore plus loin parlent trop fort en elle mais comment leur clouer le bec. Elle se dit que la pensée magique est peut-être rassurante mais point trop quand même. Elle se dit que tous ces gens qui marchent dans les rues enfermés dans leurs propres tourments ne seraient que des égarés corps et âmes. Elle se dit qu’elle est peut-être bien égarée. Elle se dit qu’elle s’est installée dans une marge qu’ il faudrait sans doute enjamber. Elle se dit que ce serait l’instant qui compte juste l’instant. Elle se dit que parler quelquefois serait peut-être pas mal. Elle se demande pourquoi c’est toujours en marchant que nait cette envie d’écrire. Elle se demande pourquoi elle n’est jamais partie. Elle se demande à quoi ça sert de faire toujours le même trajet dans la ville. Elle se demande dans quelles rues elle n’a jamais marché et pourquoi. Elle cherche à se rappeler si elle s’est déjà perdue dans cette ville. Elle dit pourquoi toujours cette envie de toucher les arbres. Elle se demande quand elle ne lèvera plus les yeux sur le troisième étage de cette vieille maison. Elle se demande quelles échardes restent encore à se planter sur sa peau. Elle se demande quelle ville se déploie dans la tête des gens qu’elle croise. Elle se dit que peut-être à l’angle de la rue quelqu’un du temps d’avant serait là. Elle se dit et si les fantômes ... Elle se dit que si tout n’était vraiment rien . Elle se demande quand cela prendra fin. Elle se dit qu’elle se pose la question de l’oubli et qu’elle le redoute. Elle se dit qu’elle a l’art de se poser des questions qui n’ont pas de réponses. 
 25 ème texte (correspondant à la proposition d'écriture de la vidéo 25) pour  l'atelier d'écriture d'été animé par François Bon sur son site Tiers-Livre: " Construire une ville avec des mots".

3 commentaires:

Brigetoun a dit…

superbe rythme

Ange-gabrielle a dit…

Elle se dit qu'elle a raison de se poser toutes ces questions, elle se dit que toutes les questions n'ont pas nécessairement de réponses, elle se dit que ce qui est important c'est de se les poser, elle se dit que oui le silence est d'or et les mots écrits aussi ...

Estourelle a dit…

seule les questions nous façonnent...